L’expérience du Chœur de chambre du Québec

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Le Chœur de chambre du Québec a vécu cet été l’expérience de chanter dans un lieu fermé en respectant toutes les règles d’hygiène et de distanciation physique recommandées par la Santé publique.

 

 

 Le concert, qui a été diffusé en direct sur Facebook Life le dimanche 5 juillet, a été enregistré à l’Université de Sherbrooke.

Afin de revenir sur l’expérience pilotée par Robert Ingari, directeur artistique du Chœur de chambre du Québec (CCQ), compositeur, professeur à l’Université de Sherbrooke et responsable de la maîtrise en direction chorale, un webinaire a été organisé par l’Alliance quelques semaines après l’événement avec quatre personnalités du milieu choral : outre Robert Ingari, on retrouvait Catherine Elvira Chartier , présidente du CCQ, soprano au sein de l’ensemble, Catherine fait partie des membres fondateurs du chœur. Elle est également professeure de musique, notamment de chant, et multiinstrumentiste ;  Jean-Luc Poulin,  ténor lyrique de formation et compositeur, Jean-Luc a étudié à l’Université de Sherbrooke et fait partie du CCQ depuis quelques années; Martin Dagenais , chef de chœur à Montréal, il dirige trois ensembles : un grand chœur, un moyen chœur et un chœur de chambre : La Petite Bande de Montréal.

 On peut lire le compte rendu en cliquant sur le lien suivant :
https://cdn.ca.yapla.com/company/CPYPkn1e2bsMlNNXXqJHMDO/asset/files/WEBINAIRE_Retour%20sur%20exp%C3%A9rience-chanter%20en%20choeur%20aujourd'hui_R%C3%A9sum%C3%A9.pdf

Quelques extraits de la rencontre virtuelle : 

Après plusieurs des démarches, Robert Ingari a finalement eu l’approbation pour tenir une activité pédagogique dans le cadre de sa recherche : une journée de répétition suivie d’une diffusion en direct sur Facebook Live. Le CCQ a dû préciser à l’Université qu’il respecterait les mesures gouvernementales : lavage des mains et port du masque même s’il n’était pas obligatoire à ce moment-là. Le CCQ a fait le concert avec des masques, et voulait être le premier chœur à en faire l’expérience.  La salle avait été libérée de tous ses meubles et des marques avaient été mises des marques au sol pour faire respecter la distanciation entre les choristes.  

 Chanter avec un masque 

Martin Dagenais : « Au début, c’est un peu déstabilisant de devoir chanter avec un masque mais ils ont eu la chance d’avoir quelqu’un parmi les choristes qui pouvait fabriquer des grands masques qui laissaient l’espace suffisant pour respirer en chantant, contrairement aux masques de base qui sont trop étroits. Le plus dérangeant est la respiration, moment où le masque vient se coller au visage. 

Catherine Elvira Chartier : « Lorsqu’ils chantaient des pièces qui permettaient d’avoir une respiration plus lente, avec plus de temps pour respirer entre les phrases ça allait mais avec un mouvement plus rapide, par exemple l’espace d’une croche ou double croche, la respiration était plus intense et le masque était avalé. Au moment de l’inspiration, elle le retenait pour reprendre sa bouchée d’air, elle en avait besoin et le replaçait pour chanter mais ce n’est pas si inconfortable dans l’ensemble. Pour ce qui est du son, il passait bien et elle a été agréablement surprise en écoutant la vidéo car on entendait bien les mots et les consonnes. » 

Robert Ingari : « Devant les choristes, je pouvais entendre le tissu et un son feutré mais ça reste très vivable. »

Jean-Luc Poulin a trouvé qu’ils s’étaient habitués assez vite à leur propre son et au son du chœur, il a fallu une petite période d’adaptation qui s’est résorbée assez vite. « Le plus difficile a été la respiration, il fallait respirer plus lentement en général. Les chanteurs respirent mais le chef de chœur également, quelle a été l’adaptation à faire en tant que chef de chœur? » 

Robert Ingari avait envie d’enlever son masque par moments. Le chef de chœur respire plus qu’un chanteur car il ne planifie pas sa respiration comme un chanteur et respire avec et pour tout le monde. Robert sentait qu’il respirait beaucoup et fort dans son masque, ce qui fait qu’il transpirait. 

Chanter à deux mètres de distance

Le chef Ingari a modifié son placement habituel. « En prenant le plan de la salle, le plus important était que personne ne se sente seul, sans vraiment être capable de faire autrement car chaque personne était dans son espace sans les autres. » Il a fait une sorte de zig zag et chaque pupitre avait quatre chanteurs environ. Les sopranos se voyaient et s’entendaient et lui pouvait également les voir. « La musique faite par le Chœur de chambre est complexe avec beaucoup de divisi et il fallait être conscient que c’était chacun pour soi. Cela a pris 20 minutes pour s’adapter et voir comment ils s’entendaient. 

« Pour des personnes moins expérimentées, l’adaptation prendra plus de temps et va possiblement en décevoir certains. L’idée d’être ensemble est amputée pour le moment. Le chant choral va être un peu plus difficile pour certains à cause de ce manque de proximité des chanteurs. » 

Catherine Elvira Chartier: « Cela demande une plus grande autonomie de chanter de la façon dont ils étaient placés car d’habitude par pupitre, ils s’entendent. Là ils étaient placés en quatuor et étaient 16 solistes plus que jamais. Quelques fois les chœurs et les chanteurs n’ont pas forcément de formation, je conseille de faire de petits ensembles et de travailler l’écoute et une nouvelle façon d’entendre ses collègues et de miser sur autre chose. Il ne faut pas se dire que seulement les chœurs professionnels sont capables de faire ça, il faut simplement aborder le tout d’une façon différente. »

Martin Dagenais : « Cela a permis d’avoir une écoute différente, les collègues étaient plus loin mais voulaient bien faire même s’ils étaient déstabilisés. » 

Catherine Elvira Chartier: « Le choix de la salle va être important. Cette fois, ils ont eu la chance d’avoir une salle pas trop grande où le son ne se perdait pas car ils entendaient bien le son global de tout le monde. » L’écoute est différente et elle pouvait entendre des choses nouvelles qu’elle n’entendait pas d’habitude. 

Martin Dagenais : « L’écoute n’est pas seulement l’affaire des autres, c’est très individuel. Si on est obligés de travailler de cette façon-là pour la prochaine saison, on va être obligé de travailler l’écoute. »

Robert Ingari : « C’est aux chefs de chœur cet automne de choisir un répertoire pas aussi complexe que d’habitude pour une situation comme celle-ci où les choristes vont être déstabilisés. Il faut privilégier l’écoute et la lecture. On a aujourd’hui le temps de travailler ce que l’on ne pouvait pas faire avant car on était pressés par le concert. Les concerts pourront cependant se faire en Live. »

Deux chœurs à l’Université de Sherbrooke

 Avec le Chœur de l’Université, Robert Ingari a scindé le chœur en deux: un chœur de femmes et un chœur d’hommes. Même avec cela, fin novembre ils prévoient un Facebook Live comme petit concert pour montrer ce qu’ils ont travaillé pendant la session. « L’acte de faire ce qu’on aime faire devra être adapté selon les conditions et nous devrons vivre avec. » 

Robert Ingari : « En ce moment, ils sont environ 50 choristes et il y a presque autant d’hommes que de femmes. Robert a plein d’idées, pour faire deux mini chœurs mais côté pédagogique et répertoire, c’est plus intéressant d’avoir deux bons chœurs de voix égales que deux petits chœurs sans grands et vrais piliers dans chacun. » Il a hâte de faire du répertoire de voix de femmes ou voix d’hommes, ce qu’il n’a pas fait depuis des années. Il faut aussi penser qu’il ne faut pas forcément avoir un bonbon de fin de saison, comme un concert et le faire sans ce but et vivre l’expérience d’apprendre et se perfectionner. Les choristes vont devoir accepter des choix inhabituels : répertoire, regroupements de choristes…etc. « Cela ne peut pas être autre chose qu’une expérience pédagogique. On ne peut pas rentrer en septembre en faisant comme si c’était comme avant. »

Robert Ingari : « Si on enlève la partie spectacle, on va juste amplifier ce que l’on voulait faire : s’améliorer et avoir du fun en groupe. C’est un moment à saisir plus que jamais. Pour le chœur symphonique de Sherbrooke par exemple, c’est sûr qu’ils ne pourront pas se réunir, ils sont trop nombreux et même s’ils avaient une salle, l’expérience ne serait pas appréciable. Il est aujourd’hui question de séduire les choristes par le perfectionnement et la découverte musicale. » 

Robert Ingari : « Les chefs de chœur devront gérer la gestion du son avec des choristes éparpillés, il faudra s’ajuster pour tout entendre. Les choristes doivent être indulgents avec les chefs de chœur qui souffrent eux aussi de la situation et veulent diriger et partager leur enseignement. Il faut réussir à trouver du plaisir dans la situation et trouver des choses qui vont renforcer la musicalité des choristes et les forces du chœur. »  

Martin Dagenais : « Pour revenir sur l’expérience de chant avec le masque, cette journée a été en général une belle expérience pour tous les choristes. Ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient encore faire du chant choral même avec les inconvénients et avoir du plaisir à le faire. » 

La ventilation des lieux

Robert Ingari : « Ce n’est pas tous les endroits qui sont propices pour le chant choral car il y a la question de la ventilation. » À l’Université, c’est un pavillon tout neuf qui leur a été mis à disposition, ils peuvent donc accélérer le changement d’air jusque 30 fois par heure au lieu de 2 fois par heure habituellement. Autre chose importante, le CCQ représente un exemple réussi mais il y a pleins d’autres chœurs à travers le monde qui cherchent des solutions, Ils se sont amusés une journée mais n’ont pas tout expérimenté. « Cela ne veut pas dire que ça va toujours bien aller et qu’il n’y aura pas de frustration ou de nouvelles restrictions du gouvernement. Il faut vivre avec la situation mais également être prudents et lire avec du recul les articles partagés en ligne.  « En Colombie Britannique, ils ont fait un reportage qui laissait entendre que c’était la fin du chant choral. Il ne faut pas trop paniquer chaque fois que l’on voit des nouvelles. L’idée est de vérifier avec les responsables d’organismes et les lieux comment bien fonctionner. Globalement, l’expérience de chant et de Facebook Live pour le CCQ a été très bonne. »

 

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